L’état d’urgence sanitaire instauré par la loi du 23 mars 2020 pour une durée de deux mois renouvelables s’accompagne de restrictions impactant la vie économique et une incertitude quant à la date et aux conditions de la reprise d’activité. Malgré les mesures immédiates mises en place par les pouvoirs publics pour soutenir la trésorerie des entreprises, il est judicieux d’anticiper sur de futures difficultés de paiement, en s’appuyant sur les possibilités juridiques de renégociation avec ses principaux partenaires administratifs et commerciaux.

S’ajoutant aux mesures d’urgences mises en place (prêts de trésorerie, report de certaines échéances), le droit des procédures collective offre en cas de difficultés avérées, des mécanismes graduels, en fonction de la sévérité de la situation comptable, pour soutenir et accompagner les dirigeants et redresser l’entreprise.

S’il est encore trop tôt pour savoir dans quelle mesure les tribunaux chargés de leur application tiendront compte de la particularité des circonstances du Covid-19, les pouvoirs publics ont d’ores et déjà donné des indications que la bienveillance sera de mise. Il est donc important de connaître ces instruments, pour évaluer leur pertinence pour votre entreprise et anticiper un recours.

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Dans un premier temps, l’initiative est laissée au chef d’entreprise : il peut choisir de renégocier directement avec ses partenaires, ou de se faire accompagner pour rediscuter les échéances afin de traverser des difficultés passagères. Il ne faut pas hésiter à envisager ces différents recours, que nous détaillons plus bas, car les professionnels missionnés par le tribunal peuvent appuyer la position de négociation de l’entreprise vis-à-vis de ses créanciers. Ce peut être l’occasion d’assainir la situation d’une exploitation et de repartir sur des bases solidifiées.
La notion de « cessation des paiements » de l’article L. 631-1 du Code de commerce permet de détecter les cas les plus graves, correspondant à l’impossibilité constatée de faire face au passif exigible avec l’actif disponible. Elle marque un tournant dans la gestion de l’entreprise, avec un dessaisissement du dirigeant au profit d’un administrateur extérieur y compris à la demande de ses créanciers.
En cas de cessation des paiements, la loi oblige le dirigeant à déclarer sa situation au tribunal au plus tard dans les 45 jours sous peine de sanctions. Un jugement va alors fixer la date exacte de la cessation des paiements en tenant compte de l’état comptable, mais l’ordonnance du 27 mars 2020 accorde un répit aux chefs d’entreprise dans la période actuelle : elle prévoit que, jusqu’à 3 mois après la fin de l’état sanitaire d’urgence, les finances de l’entreprise soient appréciées à la date du 12 mars 2020. Les professionnels personnes physiques pourront, eux, demander à bénéficier du rétablissement professionnel de l’article L. 645-1 du Code de commerce.
Pour les entreprises déjà sous le coup de mesures de redressement, les délais normalement applicables sont allongés par les ordonnances. Pour celles qui connaîtraient des difficultés temporaires, le recours aux procédures préventives de sauvegarde reste possible pendant toute la période et les modalités de saisine des tribunaux sont adaptées au confinement.
Enfin, en cas d’ouverture d’une procédure de redressement, certains paiements pourront être rétrospectivement annulés (article L. 632-1 du Code de commerce) : si votre trésorerie est déjà fragile, pensez donc à bien documenter le bien-fondé de chacun des paiements que vous effectuez, pour être en mesure de le justifier si nécessaire.

Pour renflouer la trésorerie des TPE, l’Etat a annoncé la mise en place d’un fond de solidarité avec octroi de subventions jusqu’à 3500 Euros par l’ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020 et ses décrets d’application. La possibilité pour BpiFrance de garantir les prêts bancaires consentis aux entreprises ou d’accorder des prêts sans garantie vise à inciter les banques à prêter leur concours aux TPE-PME. Ces mesures constituent un appui pour rediscuter le cas échéant l’octroi de lignes de crédit auprès de votre banquier. En cas de refus de ce dernier de rééchelonner une dette, ou d’accéder à des demandes de crédit pour soutenir la trésorerie ou les besoins en équipement d’une entreprise, le médiateur du crédit peut être saisi. Son rôle est de proposer des solutions pour inciter la banque à revoir sa position.

Enfin, dans le cadre des mesures de redressement judiciaire de l’entreprise, l’entreprise aura la possibilité d’exiger, sous certaines conditions, la poursuite du concours des banques jusqu’à la stabilisation de sa situation financière.

Si vos efforts de dialogue avec les partenaires contractuels et les administrations n’aboutissent pas seuls, il est possible de solliciter des appuis auprès du tribunal pour anticiper les difficultés économiques :
+ Pour toute dette, des délais de grâce jusqu’à 2 ans pour les paiements à échoir (sauf les salaires) peuvent être accordés sur le fondement de l’article 1343-5 du Code civil.
– L’entreprise peut demander la désignation d’un mandataire ad hoc au titre de l’article L. 611-3 du Code de commerce, qui aura pour mission principalement d’épauler l’entreprise pour négocier un accord de refinancement, sur des bases contractuelles, avec ses principaux créanciers. Sa présence peut être un gage de sérieux et du caractère raisonnable des proposition d’apurement avancées, notamment vis-à-vis des banques ;
– La procédure de conciliation s’adresse à une entreprise souffrant de difficultés conjoncturelles, dont la cessation des paiements est pressentie ou très récente (moins de 45 jours). Le conciliateur disposera d’une période de 4 à 5 mois pour négocier un accord amiable entre l’entreprise et ses créanciers (dont les administrations). Ceux qui acceptent de participer ont l’assurance qu’en cas de redressement judiciaire, ils bénéficieront d’un droit prioritaire à être payés, ce qui est une incitation efficace. L’accord pourra être homologué par le tribunal, ce qui suspend toute possibilité de poursuite par les créanciers en application de l’article L. 611-10-1 du Code de commerce.

Le but de la procédure de l’article L. 621-1 du Code de commerce est de « faciliter la réorganisation de l’entreprise, afin de poursuivre l’activité économique, maintenir l’emploi et permettre l’apurement du passif » lorsque celle-ci n’est pas « en mesure de surmonter seule ses difficultés ». Elle est ouverte aux sociétés commerciales comme aux indépendants, y compris les professions libérales. La demande est déposée par l’entrepreneur auprès du tribunal compétent, et permettra dans la majorité des cas l’intervention d’un mandataire judiciaire professionnel.

Les difficultés économiques, sociales ou juridiques de l’entreprise sont examinées pendant une période préliminaire afin de déterminer un plan proposant notamment des remises et délais d’apurement pour une durée maximum de 10 ans. Il pourra être demandé au chef d’entreprise d’avancer des garanties pour sa mise en œuvre. Une fois adopté par jugement, les modalités du plan sont opposables à tous les créanciers.

En plus des reports d’échéances de cotisations sociales et fiscales mises en œuvre par les administrations pour les mois de mars et avril 2020, les entreprises peuvent solliciter des délais de paiement sous certaines conditions. Le Livre des procédures fiscales (article L. 247) permet en effet toujours à l’administration d’accorder des remises à titre gracieux d’impôts directs, lorsque le contribuable est « dans l’impossibilité de payer par suite de gêne ou d’indigence » (en revanche, les remises des impôts indirects comme la TVA ne sont pas possibles). Symétriquement, l’article R. 243-21 du Code de la sécurité sociale permet aux Urssafs d’accorder aux employeurs des sursis de poursuites pour les cotisations patronales, lorsque les garanties de paiement sont suffisantes.

Si les pénalités de retard ont été supprimées du fait de l’épidémie Covid-19, les mesures d’urgence n’ont revanche pas prévu d’annuler à titre général les prélèvements et cotisations dus à ce stade. Néanmoins, dans le cadre de procédures collectives traitées par le tribunal, les administrations financières, organismes de sécurité sociale et institutions gérant le régime d’assurance auront la possibilité, sur la base de l’article L. 626-6 du Code de commerce, de « remettre tout ou partie de ses dettes » à l’entreprise dans des conditions similaires à celles qui lui octroierait un partenaire économique, concomitamment à l’effort consenti par les autres créanciers.

Lorsque d’importants encaissements sont attendus, il est important de surveiller aussi la situation économique de ses partenaires. Si une procédure judiciaire de prévention ou de redressement intervient les concernant, vos créances devront être déclarées dans un délai de 2 mois à compter du jugement d’ouverture publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales et les actions individuelles de recouvrement seront interrompues comme l’exige l’article L. 622-24 du Code de commerce. Ce délai vient toutefois d’être prolongé par ordonnance jusqu’après la fin de la période d’état d’urgence sanitaire.

Leurs dettes seront alors classées par ordre de priorité juridique (et non pas en fonction de leur ancienneté), et ne pourront être payées qu’après autorisation. Dans ce cas, les versements dus aux salariés au titre de l’article L. 3252-2 du Code du travail, aux administrations fiscales et sociales ainsi que les dettes assorties de garanties seront prioritaires. En revanche, les prestations attendues devront être effectuées normalement. Les créances qui n’auraient pas été déclarées peuvent se voir refuser tout paiement.

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